Exposition sur les femmes photographes à la maison européenne de la photographie

Exposition sur les femmes photographes à la maison européenne de la photographie

La photographie au féminin : un coup de projecteur juste et nécessaire à la MEP

La Maison européenne de la photographie frappe fort avec sa nouvelle exposition dédiée aux femmes photographes. Sobrement intitulée “Elles photographes”, elle offre au public une relecture du médium à travers des regards féminins, souvent éclipsés, parfois oubliés, et pourtant si essentiels. Véritable panorama historique et contemporain, elle s’inscrit dans une actualité brûlante : celle d’un rééquilibrage des récits visuels, longtemps monopolisés par des hommes.

Installée dans le Marais, la MEP poursuit sa programmation engagée avec une scénographie fluide et pédagogique. Elle remet à l’honneur des figures clés de la photographie au féminin tout en valorisant les talents émergents de la scène contemporaine. Une immersion nécessaire dans l’image vue (et pensée) par des femmes.

Un parcours chronologique et thématique pensé comme un manifeste

Dès les premières salles, le visiteur est saisi par la cohérence du propos : la photographie n’a jamais été qu’une affaire de regard technique. Ici, c’est bien la manière dont les femmes ont raconté les corps, les luttes, l’intime et le politique qui est mise en lumière. On traverse des décennies d’histoire de la photo, des débuts du XXe siècle jusqu’aux pratiques les plus actuelles.

Les commissaires ont opté pour une double lecture : chronologique et thématique. Le parcours débute avec les pionnières – Germaine Krull, Dora Maar, Berenice Abbott – pour glisser ensuite vers les mouvements féministes des années 70, avec des noms comme Francesca Woodman, Nan Goldin ou Valérie Jouve. Puis viennent les artistes contemporaines, comme Zanele Muholi ou Laia Abril, dont les œuvres puissantes interrogent les normes de genre, la maternité, la sexualité, et la représentation des minorités.

Chaque salle devient ainsi un dialogue entre époques et préoccupations, avec un fil rouge : la puissance du regard féminin dans un monde saturé d’images standardisées.

Les photographes à ne pas manquer

Impossible de citer toutes les artistes présentes tant l’exposition est dense (près de 300 œuvres exposées), mais quelques noms ressortent avec force :

  • Catherine Leroy : photographe de guerre autodidacte, qui a couvert le Vietnam depuis les premiers rangs. Une rareté dans un univers dominé par les hommes.
  • Susan Meiselas : membre clé de l’agence Magnum, connue pour ses images poignantes du Nicaragua et ses séries sur la condition féminine.
  • Eve Arnold : première femme de l’agence Magnum, célèbre pour ses portraits de Marilyn Monroe mais aussi pour sa documentation sociale aux États-Unis et en Chine.
  • Zanele Muholi : Sud-africaine, activiste LGBTQIA+, qui détourne l’autoportrait en acte de résistance. Un mur entier de la MEP lui est consacré, et c’est une claque visuelle.
  • Sabine Weiss : figure phare de la photographie humaniste française, dont les clichés captent avec tendresse et justesse l’âme des rues parisiennes.

Chacune de ces voix visuelles compose une mosaïque plus large : celle de regards pluriels sur un monde qui, pendant longtemps, n’attendait pas leur point de vue. Ici, pas question de ghettoiser, mais de donner leur place – légitime – à celles qui ont écrit, avec sensibilité, le récit photographique du siècle.

La scénographie : un écrin sobre pour un contenu puissant

Dans l’écrin épuré et lumineux de la MEP, l’exposition s’articule de manière fluide. L’accrochage, pensé pour ne pas surcharger le regard, favorise la respiration. Des images puissantes mais jamais exhibées. On avance doucement, salle après salle, emporté par des séries photographiques qui dialoguent entre elles sans linéarité pesante.

Quelques installations vidéo complètent le parcours : notamment un entretien poignant avec Susan Meiselas, ainsi qu’une performance visuelle de Mous Lamrabat, où identités culturelles et représentations de genre se télescopent.

Petit plus : chaque salle propose une synthèse murale discrète, permettant de contextualiser les œuvres sans jamais noyer le visiteur sous le texte. On est bien à la MEP : pédagogie, mais sans lourdeur.

Éducation, transmission, engagement

Plus qu’une vitrine, l’exposition fonctionne aussi comme un outil pédagogique. La MEP met à disposition livrets thématiques, cartels soignés, et organise des visites guidées spéciales menées par des historiennes de la photographie et des artistes. Des ateliers pour adolescent·es sont également proposés certains week-ends, afin de sensibiliser les plus jeunes aux enjeux de représentation et de narration visuelle.

Et pour les plus curieux·ses, le cycle de conférences organisé autour de l’exposition vaut le détour : des discussions autour du « female gaze » (regard féminin), de la place des femmes photographes dans les écoles, les agences, ou la presse contemporaine.

Avis aux flâneurs urbains : prévoyez plus d’une heure si vous voulez pleinement profiter du déroulé de l’expo. Et pourquoi ne pas enchaîner avec un chocolat viennois au café de la MEP ? Il offre une pause bien méritée, avec vue sur les quais.

Pourquoi cette exposition est plus que jamais d’actualité

Dans une époque où les réseaux sociaux saturent nos rétines d’images fabriquées, l’exposition rappelle l’importance du regard conscient. Choisir de voir autrement. Lutter contre l’invisibilisation systémique.

La photographie pratiquée par les femmes n’est pas un simple sous-genre. Elle est essentielle pour comprendre les marges, les combats, l’intime et le quotidien sous un autre prisme. En cela, “Elles photographes” agit comme un correctif de mémoire et une impulsion vers l’avenir.

Les artistes présentées ne réclament pas une attention « en plus » mais juste un accès équitable aux murs, aux pages, aux regards. Et dans cet exercice, la MEP joue son rôle de phare culturel parisien avec intelligence et engagement.

Infos pratiques à noter

  • Adresse : Maison Européenne de la Photographie, 5/7 rue de Fourcy, 75004 Paris
  • Métro : Saint-Paul (ligne 1) ou Pont Marie (ligne 7)
  • Dates : Du 17 avril au 25 août 2024
  • Horaires : Du mercredi au dimanche, de 11h à 20h. Fermé lundi et mardi.
  • Tarifs : 10 € tarif plein, 6 € tarif réduit. Entrée gratuite le mercredi de 17h à 20h pour les moins de 26 ans.
  • Visites guidées : Tous les samedis à 16h, sur réservation en ligne
  • Café et boutique sur place

Une exposition qui s’adresse à tous les regards

Qu’on soit photographe amateur, esthète confirmé ou néophyte inspiré, difficile de ressortir indemne de cette traversée. L’exposition ne cherche pas à faire la morale, ni à pointer du doigt. Elle montre — tout simplement — ce qui a longtemps été laissé hors champ.

Et si revisiter l’histoire de la photographie par le prisme des femmes ne relevait plus de l’exception mais devenait la norme ? En attendant ce moment où la parité ne sera plus une revendication mais une simple évidence, “Elles photographes” est une visite à ne pas rater. L’œil s’en souviendra longtemps.