Carte blanche à un street artist à la galerie mathgoth

Carte blanche à un street artist à la galerie mathgoth

Un espace urbain réinventé : la galerie Mathgoth donne carte blanche à un street artist

Dans le 13e arrondissement, à deux pas de la Bibliothèque François-Mitterrand, un cube de béton s’est transformé depuis plus d’une décennie en repaire d’avant-garde pour la scène street art internationale. Cette adresse, c’est la galerie Mathgoth. Et cette saison, elle frappe fort : elle offre une carte blanche à un street artist dont le nom seul suffit à électriser les murs et les regards. On y est allé, on vous raconte.

Un format libre dans un lieu codifié

La formule « carte blanche » a souvent été galvaudée. Mais chez Mathgoth, elle signifie réellement liberté de ton, de format, de médium. Pas de thème imposé, pas de parti pris curatorial écrasant : le street artist est invité à s’approprier littéralement les murs de la galerie. Et dans ce quartier qui respire les fresques monumentales et nourrissent le béton d’art et de pigments, ça fait tout son sens.

L’artiste invité cette saison ? Brusk, figure de proue du street art hexagonal, cofondateur du célèbre crew DMV. Connu pour ses coulures chromatiques, ses distorsions graphiques et son approche tant picturale qu’architecturale de l’espace urbain, Brusk ne se contente pas de peindre : il peint avec la ville, contre elle aussi parfois. Autant dire que la rencontre entre lui et Mathgoth promettait une exposition qui tâche (dans le bon sens).

Brusk : de la rue à la galerie, sans se trahir

Ce qui frappe d’emblée en entrant, c’est l’équilibre entre maîtrise et spontanéité. L’univers de Brusk est immédiat, urbain, mais toujours finement exécuté. Ses installations ici mélangent œuvres sur toiles XXL, installations murales et interventions en volume. Les couleurs explosent, les matières dégoulinent, les formes saturent l’espace comme si elles voulaient en repousser les murs.

Certains diront : « Mais que vaut le street art quand il quitte la rue ? ». Dans le cas de Brusk, la réponse est claire : il l’habite autrement, sans jamais la perdre de vue. La galerie devient son terrain de jeux, mais aussi son laboratoire. On retrouve ses classiques – ces visages déconstruits, ces tags ruisselants – mais on découvre aussi des formats inédits, plus contemplatifs, presque méditatifs.

On apprend que certaines pièces ont été réalisées spécialement pour cette carte blanche, en lien direct avec la configuration du lieu. Anecdote révélatrice : une installation faite à partir de matériaux récupérés autour des friches du XIIIe, comme pour mieux ancrer cette œuvre dans le quartier même qui l’accueille.

Street art en galerie : vrai changement ou simple translation ?

Ce type d’exposition soulève toujours une question essentielle : que reste-t-il du street art lorsqu’il entre en galerie ? À Mathgoth, la réponse est nuancée. On ne parle pas ici d’aseptisation, mais de transposition. L’énergie de la rue est intacte, mais elle s’adapte aux volumes clos, aux spots de lumière, au regard qui flâne plutôt qu’au passant qui passe.

Et ce n’est pas pour rien que la galerie Mathgoth figure parmi les piliers du mouvement à Paris. Depuis sa création en 2012 par Mathilde et Gauthier Jourdain, ce lieu a su donner une visibilité à ceux qui composent la culture urbaine au quotidien, hors des spots mainstream, loin des logiques de capitalisation. Leur approche reste fidèle à l’esprit de la rue : ouverte, spontanée, mais exigeante.

Au fil des années, Shepard Fairey, C215, Maye, Mademoiselle Maurice ou encore Ethan Murrow sont passés par ici. Une sélection qui dit tout de l’exigence esthétique et de la volonté de tordre le cou aux clichés du « graffeur à capuche ».

Pourquoi cette exposition vaut le détour

On ne va pas tourner autour du pot : si vous aimez le street art vibrant, brut et réfléchi à la fois, cette exposition est un indispensable. Et même si vous êtes novice, ou simplement curieux, c’est l’occasion de plonger dans un univers où la peinture déborde, où la ville s’infiltre dans la toile, et où chaque coulure a quelque chose à raconter.

Le plus ? L’agencement intelligent de l’espace qui permet une vraie immersion. Pas de surcharge contemplative : on respire, on circule, on s’arrête. Et l’équipe de la galerie est toujours prête à échanger, à contextualiser, à partager anecdotes ou secrets de production. Loin de la froideur de certaines galeries parisiennes, ici on parle art comme on parlerait projets de fresques au détour d’un café.

Informations pratiques à retenir

Pour les amateurs d’efficacité — et de street art bien sûr — voici ce qu’il faut garder en tête :

  • Où : Galerie Mathgoth, 34 rue Hélène Brion, 75013 Paris
  • Quand : jusqu’au 22 juin 2024 (attention, fermée le lundi)
  • Horaires : du mardi au samedi, de 14h à 19h
  • Entrée : gratuite (et ça mérite d’être souligné)
  • Accès : Métro Bibliothèque François-Mitterrand (ligne 14)

Petit conseil d’habituée : profitez-en pour flâner dans le quartier après votre visite. Le 13e est un véritable musée à ciel ouvert du street art. De la fresque monumentale d’Inti à celle de D*Face, les façades y sont souvent plus bavardes que les murs des galeries.

Et après ?

La carte blanche à Brusk marque une nouvelle étape dans le dialogue entre rue et galerie, entre geste spontané et mise en scène. En confiant les clés à un artiste aussi emblématique, la galerie Mathgoth montre qu’elle reste l’un des lieux les plus vivants du paysage artistique urbain à Paris.

Et pour les afficionados, sachez que cette exposition s’accompagne d’une belle brochette d’éditions limitées, de prints et de goodies signés par l’artiste. Pensez à arriver tôt les samedis si vous avez une âme de collectionneur.

Alors, prêt à plonger dans un bain de peinture bien urbaine ? La rue vous attend — à l’intérieur d’une galerie.