Un Paris hors des sentiers battus
Vous connaissez déjà le Marais, Montmartre ou les quais de Seine sur le bout des doigts ? Bonne nouvelle : Paris regorge d’itinéraires insolites qui transforment une simple promenade en véritable expérience urbaine. Au-delà des clichés touristiques, c’est une autre capitale qui se révèle — étonnante, parfois secrète, toujours passionnante. Suivez le guide.
La Petite Ceinture : rails, flore et frisson d’aventure
Ancienne voie ferrée abandonnée, la Petite Ceinture s’étire sur près de 32 km autour de la capitale. Aujourd’hui réhabilitée par tronçons en sentiers piétons, elle est le royaume des amateurs de balades bucoliques en pleine ville. Graffitis, friches végétales, tunnels d’époque… marcher sur la Petite Ceinture, c’est traverser un Paris parallèle, entre nature urbaine et résidus d’histoire ferroviaire. Plusieurs portions sont aujourd’hui ouvertes au public :
- Le tronçon du 15e (accès par la rue Olivier de Serres) : parfait pour une marche tranquille entre herbes folles et vue sur les immeubles haussmanniens en toile de fond.
- Le segment du 20e (accès rue de la Mare ou rue des Couronnes) : plus sauvage, parfois un brin désordonné, mais avec un cachet certain.
Astuce : partez tôt le matin pour savourer le calme et le chant des oiseaux, un luxe en plein Paris.
Les passages couverts qu’on oublie trop souvent
Certains les connaissent, beaucoup les passent sans attention. Et pourtant, les passages couverts de Paris méritent une exploration lente et curieuse. Ces galeries construites au XIXe siècle protègent de la pluie tout en offrant aux promeneurs une plongée intemporelle entre boutiques anciennes, librairies et salons de thé.
- Passage Brady (10e) : surnommé « Little India », il propose une immersion sensorielle entre parfums d’épices, étoffes colorées et cantines indiennes à prix doux.
- Passage Jouffroy (9e) : charmant et lumineux, il mène tout droit au musée Grévin. Ne manquez pas la sublime librairie japonaise Galerie Sentou.
- Galerie Vivienne (2e) : chic et classique, avec ses mosaïques au sol et ses boutiques haut de gamme. Une touche de romantisme à l’ancienne.
Par temps gris, les passages deviennent une alternative idéale aux trottoirs bondés. Et pour les flâneurs nocturnes, certains sont encore éclairés à l’ancienne, dans une ambiance très cinématographique.
La coulée verte René-Dumont : une jungle suspendue
Ancien viaduc ferroviaire transformé en promenade plantée, la coulée verte René-Dumont est le trésor caché du 12e arrondissement. Démarrant juste derrière l’Opéra Bastille, elle file sur près de 4,7 km jusqu’au bois de Vincennes. Son originalité ? Une promenade en hauteur, à la manière de la High Line new-yorkaise, ponctuée de jardins, d’arches, et de points de vue inattendus sur les arrière-cours parisiennes.
C’est aussi un observatoire discret sur la vie quotidienne : joggeurs matinaux, retraités sur un banc, artistes venus chercher l’inspiration. Emprunter la coulée verte, c’est s’offrir un moment suspendu entre ciel et bitume.
Aventure souterraine : le Paris des réservoirs et des carrières
Et si vous descendiez sous Paris au lieu de grimper en haut de Montmartre ? Si les catacombes sont connues (et très fréquentées), d’autres sites en sous-sol proposent des expériences uniques, bien plus confidentielles.
- Le réservoir de Montsouris (14e) : visitées ponctuellement lors des Journées du Patrimoine, ces impressionnantes nappes d’eau cachées sous la ville sont un joyau d’ingénierie du XIXe siècle. Arches, piliers néogothiques et silence absolu – une cathédrale aquatique oubliée.
- Les carrières de Paris (visites encadrées par des associations comme l’Inspection Générale des Carrières) : découvrez un labyrinthe de galeries qui racontent les fondements de la ville. Réservé aux plus téméraires… et bien chaussés.
Notez que ces visites sont très encadrées (quand elles sont autorisées). Mieux vaut réserver à l’avance et se préparer à une descente hors du commun, lampe frontale comprise.
Le street art à ciel ouvert : l’Est parisien en Technicolor
Oubliez les musées : certaines des œuvres les plus explosives de la scène artistique parisienne se trouvent directement sur les murs. Le 13e arrondissement s’est imposé comme un haut lieu du street art XXL, avec plus d’une trentaine de fresques monumentales réalisées par des artistes internationaux comme Obey, Seth ou Inti.
Mais Paris ne se limite pas à un seul quartier :
- Rue Dénoyez (20e) : terrain d’expression libre à Belleville, c’est ici que les artistes viennent graffer dans une ambiance d’atelier urbain permanent.
- Quartiers Ourcq et Canal de l’Ourcq (19e) : balade vivace, souvent animée par des festivals comme Ourcq Living Colors.
Astuce : l’application « Street Art Cities » vous géolocalise en temps réel et vous indique les œuvres à proximité. Idéal pour transformer une balade en véritable chasse au graff.
Les cimetières, ces musées à ciel ouvert
Et si vous alliez saluer les morts pour redécouvrir les vivants ? Oubliez les clichés macabres : les grands cimetières parisiens sont souvent des havres de paix, et surtout, des concentrés d’histoire et d’art décoratif.
- Cimetière du Père-Lachaise (20e) : le plus célèbre, avec ses résidents stars (Jim Morrison, Oscar Wilde, Édith Piaf…). Arbres centenaires, sculptures funéraires, chemins sinueux : une ville dans la ville.
- Cimetière de Montmartre (18e) : plus intime, il réserve quelques surprises, comme la tombe de Dalida ou celle de François Truffaut.
- Cimetière de Passy (16e) : petit mais dense, avec vue sur la tour Eiffel et tombeaux Art déco impeccablement conservés.
Pour les amateurs de patrimoine, c’est une promenade qui mêle émotion, contemplation et photographie. Parfait pour flâner en toute discrétion.
Balades littéraires : sur les pas des écrivains
Les romans aiment Paris — et Paris le leur rend bien. Suivre les traces de ses écrivains, c’est redonner chair à des rues familières. Quelques idées :
- Le Quartier Latin (5e) : Victor Hugo, Simone de Beauvoir, Hemingway… Chaque café, chaque ruelle semble murmurer une citation. Arrêtez-vous au Café de Flore ou à la librairie Shakespeare & Company, toujours debout face à Notre-Dame.
- La rue Lepic et ses alentours (18e) : chère à Boris Vian, on y perçoit encore le Montmartre bohème d’après-guerre.
- Le Marais et la maison de Victor Hugo (4e) : une visite gratuite, souvent délaissée, qui vaut le détour rien que pour l’étonnante salle chinoise de l’écrivain.
N’hésitez pas à glisser un petit carnet dans votre sac. Qui sait… peut-être que l’inspiration vous y rattrapera aussi.
L’eau dans Paris : balades sur berges et au fil des canaux
Autre angle inattendu : redécouvrir Paris par ses voies d’eau. Si la Seine attire les touristes, d’autres parcours fluviaux sont à explorer :
- Le canal Saint-Martin (10e) : parfait pour une promenade romantique entre passerelles, écluses et reflets. Y aller tôt le matin pour voir se lever la ville.
- Le bassin de la Villette (19e) : parc urbain vivant, très prisé l’été pour ses quais animés, ses buvettes et ses cinémas en plein air.
- Le canal de l’Ourcq (à vélo) : longeable jusqu’en Seine-Saint-Denis. On peut louer un vélo à Stalingrad et filer vers Pantin ou Bobigny en moins de 30 minutes. Une embellie urbaine méconnue.
Bonus : des croisières originales (à pied ou en bateau électrique sans permis) sont proposées sur certaines portions. Une manière douce de (re)toucher aux paysages parisiens.
Bonus : promenades guidées thématiques pour les curieux pas si solitaires
Pas envie de vous aventurer seul(e) ? De nombreuses associations et guides indépendants proposent des promenades à thème : Paris criminel, Paris médiéval, Paris érotique… Vous pouvez aussi vous laisser tenter par l’approche sensorielle du collectif Des mots et des arts, ou les parcours LGBTQ+ historiques proposés par Paris Queer Tour.
Des visites vivantes, parfois théâtralisées, souvent documentées, toujours passionnantes. Parfaits compléments aux flâneries solitaires.
Paris ne se résume pas à ses grands boulevards ou à ses musées. À condition de lever les yeux… ou de changer d’axe.